jeudi 26 mars 2020

Le comble de la sédentarité : Faire du pain au levain


Qu'est-ce que ça a de si fantastique, le pain au levain ?

Et bien d'abord, c'est meilleur. Le pain a plus de caractère et une légère acidité. La croute est plus croquante et la mie plus moelleuse, et le reste des jours durant.

Ensuite, la fermentation de la farine nous permet de mieux en assimiler son gluten. L'action des bactéries dégrade le gluten et ça en facilite la digestion et l'assimilation des minéraux.

Finalement, c'est fascinant de voir l'oeuvre des bactéries à travers la fermentation. C'est un savoir-faire ancestral qui exige si peu... mais qui demande de la patience bien récompensée.

De quoi vous avez besoin ?

Je vous parle du matériel nécessaire et des ingrédients plus en détails ici, mais sachez que pour commencer, vous avez besoin de farine, d'eau et de sel. Et beaucoup de patience -- et préparez-vous -- ma façon de faire exige environ 24h d'attente !

Surtout encore plus de patience si vous n'avez pas de "starter" à levain à portée de main. Si je ne peux pas vous en amener un peu, deux autres options s'offrent à vous :
1) Vous avez une bonne relation avec la boulangerie artisanale du coin et vous leur demandez une petite portion. La portion peut être minime - quelques grammes seulement, et vous allez pouvoir la nourrir pendant quelques jours pour en faire une portion viable à utiliser et entretenir.
2) Vous commencez un "starter from scratch". La bonne nouvelle : vous n'avez besoin que de farine et d'eau. La moins bonne : ça prend une semaine et demie à deux semaines.
Voici deux tutoriels de Ni cru ni cuit ou The Perfect Loaf pour faire un starter à partir de farine, d'eau et de rigueur ;)

Sans plus tarder, je vais laisser mes vidéos tutoriels faire le reste du travail à ma place.

D'abord : Pourquoi "au levain ?"



Étape 1 : Entretien du starter et mélange (Temps T)



Truc - entretien du levain : si vous voulez utiliser une plus grande quantité de starter à levain (ou faire plus de pain), vous pouvez facilement le laisser une journée à température pièce (et le nourrir 1-2 fois avec de l'eau et de la farine) pour avoir une plus grande culture.

Étapes 2-3+ : Pliages (Temps T+1 à T+24)

Je vous recommande de répéter cette étape au moins 4-5 fois au cours des 24h. Pas besoin d'être trop constant : entre 1h30 et 6h d'attente entre les pliages est OK. Plus le temps avancera, plus ça gonflera!




Étape 4 : Enfourner (Temps T+24)

Préchauffez le four à 400 degrés et ça prendra environ 45-50 minutes (+1h d'attente ensuite).



Étape 5 : À la sortie du four (Temps T+25)

Pour que vous puissiez voir le produit final ! Ma recommandation, c'est de laisser refroidir environ 1h avant de couper - question de texture.



Bon appétit :)

*** Disclaimer ***
1) Si vous faites quelques recherches, vous remarquerez qu'il y a plein d'autres choses qu'on peut faire différemment ! Par exemple : décomposer les étapes en autolyse (sans le sel et le levain) et bulk fermentation, faire fermenter au frigo pendant 3 jours, garder le levain à température ambiante et en jeter à chaque entretien pour le garder plus actif, préchauffer la cocotte avant d'y mettre mon pain, changer la température à mi-cuisson... 
Je considère que chaque étape supplémentaire ajoute une complexité qui peut m'énerver à la longue et qui m'empêche d'en faire une habitude constante... Je suis une cuisinière-boulangère intuitive ! alors j'ai fait des tests pour simplifier l'expérience au maximum sans affecter le résultat ! Pour moi, il n'y a pas meilleure leçon que l'essai-erreur et tant que je connais la chimie (grossièrement), je peux comprendre les améliorations possibles... et j'espère que ma technique vous apprendra aussi à apprécier le processus ;)

2) Je vous invite à ne pas juger ma performance trop sévèrement !
À la base, toutes les vidéos ont été réalisées en une seule prise pour accompagner un ami à travers sa confection et j'ai décidé plus tard de partager à plus grande échelle ! 
J'ai commis quelques bourdes, comme mettre une tasse de farine de trop dans mon mélange (oopsi) ou mettre ma semoule de maïs dans le pain avant de faire ma dernière vidéo pour montrer comment le faire...

Bons essais !

S'accomplir



J'estime qu'on vit une période fascinante de notre histoire.
L’astrophysicien Aurélien Barrau et de nombreux philosophes et théoriciens avaient prévu qu'une catastrophe climatique causerait un effondrement économique et du monde tel qu’on le connaît. La COVID-19 pourrait ne pas être considérée comme une catastrophe climatique, mais ses effets destructeurs sur l'économie sont indéniables.

On a subi un choc. 


Un choc tellement fort qu'il chamboule actuellement notre mode de vie et notre relation au travail.
Ce choc nous donne l'opportunité de réfléchir à nos priorités et à notre système de valeur, pour peut-être mieux les aligner avec notre mode de vie. "Au-delà des incertitudes sanitaires et économiques qui nous inquiètent tous, [chacun est] amené à se questionner [et] de cette introspection peut naître un désir de transformation fort" (Dominique Méda).
Ce choc nous donne l'occasion de nous désintoxiquer du travail et de repenser la hiérarchie sociale des métiers, en correspondance à leur utilité réelle dans notre société et en accord avec nos valeurs (Voir David Graeber, Bullshit Jobs).
Et ce choc risque de précipiter le changement. Parce que l'histoire l'a prouvé : les décisions qui sont prises d'urgence en temps de crise ont tendance à devenir des solutions à long terme. Alors croisons nos doigts pour que les décideurs et les entreprises privées considèrent les impacts réels de leurs choix sur la société, l'environnement, l'économie. Parce que, comme Yuval Noah Hahari le dit si bien: "When choosing between alternatives, we should ask ourselves not only how to overcome the immediate threat, but also what kind of world we will inhabit once the storm passes".




Homo Economicus


Cette crise est une occasion sans précédent pour favoriser la prise de conscience. Pas seulement parce que la propagation du virus des animaux à l'humain est en partie causée par notre mode de consommation qui a chamboulé des écosystèmes et détruit les barrières entre la nature sauvage et l'activité humaine. Mais parce que l'une des conséquences -- le ralentissement de l'économie mondiale -- est un effet secondaire inespéré qui nous force à faire ce que nous ne pouvions pas faire consciemment dans le tourbillon de notre société de consommation. 11 000 scientifiques de 153 pays ont signé une lettre dans la revue scientifique BioScience en 2019: « La crise climatique est étroitement liée à la consommation excessive issue d’un mode de vie riche. Nous devons changer notre façon de vivre ». Changer parce qu'on ne vit plus pour répondre à nos besoins, on vit pour nourrir une image, un statut social... pour répondre à des normes imposée par "l'autre". Nous devons être reprogrammés.

La bonne nouvelle ? La crise accélère ce changement de notre façon de vivre. Les crises économiques ont un effet drastique sur la consommation. Souvent à court terme. Et si on embrassait ce changement de mode de consommation ? Et si le confinement nous rapprochait de nos valeurs les plus fortes ? Et si, sur fond de fin du monde, on prenait conscience de la futilité de certaines habitudes et on avait envie d'avoir une réelle utilité pour notre société ? « Si on consomme moins, on a besoin de moins d’argent. En travaillant moins, on a plus de temps pour s’entraider, cuisiner, voir ses amis, s’occuper d’un jardin communautaire ou s’impliquer en politique pour se réapproprier la démocratie» (Alix Ruhlmann). Ça, ce sont les bases de la décroissance : une idéologie qui se heurte au système actuel qui vise une croissance permanente et l'accumulation de profits par les entreprises privées, dans un monde aux ressources limitées.



L'accomplissement


Quelles sont vos plus grandes réalisations professionnelles ?
Est-ce que ce sont vraiment ces histoires de travail que vous allez vouloir transmettre à vos proches ?
Et si vous travailliez en publicité ? Ou dans une banque ?
Je crois que nos plus grandes fiertés naissent du dépassement de soi, de l'impact visible qu'on a sur nos prochains et de la création.

Avoir un impact, ce n'est pas qu'un petit mandat. Devenir un vecteur de changement -- on ne va pas se mentir icitte -- c'est une accumulation de petites actions au fil du temps, qui ne sont pas toujours reconnues et dont l'effet n'est pas instantané. Je vais donc me concentrer ici sur l'accomplissement par la création.

Créer, pour moi, c'est travailler avec nos mains. C'est devenir artisan, mettre en pratique un savoir-faire, exercer une forme d'auto-détermination. C'est la production de quelque chose à transmettre ou à partager, qui sera consommé, observé. Et de là naît notre sentiment d'accomplissement, de réalisation, de fierté.

Et cette création peut prendre plusieurs formes.
Pour moi, c'est la fermentation de mon kombucha, de mon kimchi ou de mon levain.
C'est la confection de mon fromage, de mes condiments ou de mon pain.
C'est la réparation de mon vélo ou la conception d'un jeu avec des retailles d'imprimeries.
C'est de semer et faire grandir mes germinations, mes plantes, mon potager.
Ça pourrait être la réalisation d'une oeuvre artistique, littéraire, photographique ou une multitude d'autres choses...

Mais c'est d'utiliser ses mains, d'investir son temps, de faire des erreurs... et de pouvoir le partager ou le transmettre.

La fois où j'ai voulu fabriquer du chocolat à partir du fruit du cacao

Notre capacité à nous réaliser autrement que par la consommation qui nourrit notre statut social nous permet de nous rapprocher d'un mode de vie en plus grande synergie avec notre environnement social et écologique. C'est l'occasion de nous réapproprier certains savoir-faire traditionnels. De revaloriser la technique. De nous rapprocher des métiers les plus indispensables à notre société.

À nous de saisir cette occasion.


Autre référence non citée:
Catherine Dubé, Prêts pour la décroissance ? L'actualité, 20 février 2020, https://lactualite.com/societe/decroissance/

dimanche 20 janvier 2019

Le Japon: Traditions et religions


Gifu

Je tenais à arrêter à Gifu pour avoir une immersion dans des villages traditionnels japonais un peu mieux préservés. La préfecture de Gifu me semblait être l'endroit tout désigné puisqu'on y retrouve des maisons gassho-zukuri ("en forme de prière") au toit en pente bien épais, bâties pour survivre aux chutes de neige abondantes. Les hameaux de Shirakawa-go, inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO, semblent féériques en hiver (on peut même y dormir si on veut l'expérience totale), mais, de mon côté, j'ai plutôt opté pour le mini village Hida, qui est en fait un musée en plein air... presque dans le genre du village québécois d'antan, avec des gens qui font mine d'élever des vers de soie pour produire la matière précieuse; des dames qui s'affairent à tisser des kimonos ou des hommes qui pratiquent des techniques de sculpture anciennes. C'était bien mignon, tout ça, mais le plus impressionnant, c'était... les toits de foin, qui pouvaient faire plus d'un mètre d'épais!


J'ai aussi visité Takayama, un village tout en bois reconnu pour la qualité de ses charpentiers, mais surtout pour son saké! Sanmichi, le centre de la ville préservée, regorge de petits commerces de toutes sortes, dont de nombreux sont surmontés de boules de cèdre pour signifier qu'on y brasse du saké. On y retrouve un grand marché le long de la rivière Miyagawa, mais mon coup de coeur a été un parcours qui traverse les parcs et les nombreux temples qui surplombent la ville. J'ai passé une journée à explorer les sanctuaires et les cimetières de différentes périodes et religions sans me lasser du souci du détail japonais, qui allie toujours avec justesse la nature, la pierre, le bois et l'eau, dans un mariage fluide où l'on s'y perd trop facilement.


Une fois rassasiée de ce que la campagne avait à m'offrir, j'ai pris la direction de Kyoto. Pas de secrets: tout ce que ce nom m'évoquait, c'était un accord lointain sur l'environnement qui n'avait pas trop trop été respecté.

Mon premier contact avec Kyoto a été assez mémorable: alors que je marchais près de mon auberge, j'ai été attirée par une musique festive qui semblait provenir d'un temple bouddhiste. Ma curiosité m'a menée à pénétrer dans l'enceinte pour y découvrir un spectacle de théâtre où dansaient dragons géants et empereurs chérubins, entre les concerts de musique traditionnelle et les démonstrations de samouraïs. 
On m'a forcée à m'y asseoir au premier rang et on m'y a offert des bonbons durs.


C'était bien beau tout ça, mais moi, j'avais surtout hâte d'arriver au sanctuaire Shinto Fushimi Inari-Taisha. 

"Shinto?", ditez-vous? Sachez que Japon, c'est un amalgame de religions entremêlées. Les gens peuvent se dire boudhistes, mais se marier dans une église chrétienne et faire leurs prières aux dieux shinto. La plupart des Japonais pratiquent plusieurs religions qu'on pourrait considérer complémentaires. Le Shintoisme est la religion indigène au Japon et vénère spécialement les esprits de la nature, les kamis, et ses différentes manifestations comme les montagnes, les rivières ou les animaux. D'un autre côté, le bouddhisme vénère plutôt la vie et la présence sur terre via la réincarnation. Ça explique pourquoi les funérailles, au Japon, sont généralement bouddhistes.

Enfin, j'avais hâte d'arriver là-bas, et j'ai réalisé que je n'étais pas la seule.


Je me suis retrouvée entourée de Geishas en devenir et de petites familles parfaites. J'ai vraiment eu l'impression d'être arrivée dans un autre monde, où la tradition était sacrée... Mais j'ai appris plus tard que les femmes habillées en Kimono ne sont probablement pas des Japonaises qui revêtent leurs plus beaux habits pour sortir dans les lieux sacrés, mais probablement des chinoises qui paient le gros prix pour porter un kimono de soie et des sandales de bois puis se faire coiffer et maquiller comme une geisha. Quel trouble-fête.


Après quelques centaines de mètres dans les sentiers, j'ai réussi à trouver un peu de quiétude parmi les torii rouges. Encore un peu plus loin, je me suis même retrouvée complètement seule parmi les torii, enchantée par les bruits de la forêt qui rendaient l'atmosphère carrément invraisemblable. 


J'en ai profité pour pratiquer le rituel d'appel des dieux. Il faut d'abord se purifier après être passé par la première torii vers un temple: on prend une louche à la fontaine pour se laver la main droite, puis la gauche, et ensuite la bouche, avant de faire couler l'eau sur le manche de la louche et de la replacer. Ensuite, on trouve une longue corde qui pend d'une cloche et on la sonne 2 fois pour réveiller les dieux. On tape des mains 2 fois pour signaler notre présence, avant de s'incliner 2 fois puis de se recueillir. Puis on s'incline une dernière fois pour remercier avant de partir. 

J'ai passé les prochains jours à visiter les nombreux temples de Kyoto, à me perdre dans ses ruelles, à visiter ses innombrables jardins zen et à explorer son offre considérable de restaurants. De toute ça, y'en a pour les fous pis les fins!


Mes recommandations: le philosopher's path, qui est un sentier paisible qui relie quelques temples dans un contexte plus natuel, et d'enfourcher une monture pour suivre la rivière Kamo - en observer les hérons et la vie quotidienne qui suit son cours.


J'ai ensuite pris la route d'Arashiyama, pour me balader dans les collines et me perdre (not) dans sa forêt de bamboo iconique. (N'ayez pas peur, ce n'est pas dans un sentier de 100 mètres parmi une horde de chinois qu'on risque de s'y perdre ;)



Mon prochain arrêt était Nara. Nara a été le centre politique du Japon jusque dans les années 700, mais aujourd'hui, c'est surtout reconnu pour être un complexe de temples massif envahi par des cerfs sacrés, qui s'y baladent sans contraintes. 

Un coup de coeur.


Une fois ressourcée entourée de mes amis les animaux, j'ai eu l'idée brillante d'aller m'engouffrer dans la ville la plus choquante que j'aie eu la chance de voir: Osaka.

Reconnue pour être la capitale culinaire du Japon, j'associe surtout mon expérience d'Osaka à la folie des jeux vidéos, des cafés thématiques et des néons fluorescents et mouvants. Après des introspections paisibles en nature à Kyoto, je me serais enfuie en courant de l'horreur qui se déroulait sous mes yeux... 



...mais je ne doute pas que j'aurais apprécié la ville en d'autres circonstances, en bonne compagnie. Mais dans ce cas, j'ai fait un rapide arrêt au Osaka-jo, ce château qui m'a tellement sidérée que je suis restée immobile à l'observer pendant 30 minutes, en dégustant mes mochis multicolores. 



Pour éviter de retomber nez-à-nez avec Osaka, j'ai trouvé un endroit qui valait bien les 5 heures où je m'y suis prélassée:



Ensuite, j'avais hâte de fuir, alors je me suis précipitée dans un bus de nuit pour mon prochain (et dernier) arrêt au Japon: Tokyo la surprenante.






mardi 15 janvier 2019

Le Japon en plein air: le parc national Chubu-Sangaku



J'ai commencé mon exploration du Japon aux environs de Matsumoto. 

Matsumoto, c'est au coeur de l'archipel japonais dans la préfecture montagneuse de Nagano. La ville est reconnue pour son  (ou château) noir corbeau de plus de 500 ans. 
D'ailleurs, c'est pas mal le seul attrait de la région... si bien que ma guide était particulièrement enthousiaste de ma présence et tenait absolument à me prendre en photo devant leur chef d'oeuvre municipal. Au moins, sa présence m'aura apporté beaucoup plus qu'une photo 'stagée'. Saviez-vous que le petit bâtiment à gauche abrite la pièce des "trois lunes" parce qu'on peut y apercevoir: 1) la lune dans le ciel, 2) la lune reflétée dans les douves du château, bien sûr, et... 3) la lune reflétée dans notre verre de saké!

Autre fait intéressant: dans chaque château, il y a une salle de "sacrifice", au sommet, pour le suicide du seigneur, quand les samouraïs sont attaqués et rendent les armes. Savez-vous combien de seigneurs ont fait le hara-kiri dans le Matsumoto-jo? Eh bien, comme le château existe encore, la réponse, c'est 0 - puisque lorsqu'on vainc un seigneur, on détruit son château du même coup! Mais bonne chance pour les attaquants parce que les samouraïs du Matsumoto-jo étaient malins: ils ont tout fait pour laisser croire que le château avait 5 étages, mais ce n'est qu'un leurre! Il y en a 6! Si bien pensé! Mais ça en rend la visite un peu plus difficile, à moitié recroquevillé...





Un conseil: si vous prévoyez prendre le train hors des centres touristiques, mieux vaut savoir exactement où vous allez! Alors mon premier défi, c'était la carte des trains du village:


Ça ne serait pas la dernière fois que je me sentirai impuissante face à un réseau de transport complexe là-bas, mais la bonne nouvelle, c'est que je m'y suis toujours retrouvée! 

Enfin, mon premier objectif dans les alpes japonaises, c'était d'atteindre Kamikochi, une vallée protégée comme patrimoine culturel et bordée de montagnes de plus de 3000m. Je suis partie de Matsumoto à la première heure pour réaliser mes objectifs ambitieux de la journée: faire toute la promenade qui longe la rivière et m'amène aux ponts et aux lacs de glaciers, puis monter le volcan Yakedake, ou "la montagne qui brule", dont les dernières éruptions datent de 1962 et 1995. En bonne aventurière, je choisis de bâtir mon itinéraire de façon responsable et de commencer mon programme par l'ascension autonome de la montagne enneigée au sentier apparemment peu défini. De cette façon, en cas de pépin, j'aurai plus de chance d'être sauvée par d'autres randonneurs qui s'y attaquent après moi, pour attraper le dernier bus qui sort du parc à 17h! 

La bonne nouvelle? c'est que j'ai réussi à trouver la tête du sentier! Et que ça a été ma seule rencontre avec les singes des neiges (macaque japonais), qui m'indiquaient la direction à prendre. Les guenons, en bonne Japonaises, protégeaient leurs petits et me laissaient continuer sur le sentier en se mettant poliment sur le côté. Voilà une journée qui commence bien!


Après les macaques, il n'y avait plus âme qui vive sur les sentiers. J'ai donc profité de ma toute nouvelle liberté en me questionnant un peu sur mon choix. J'ai sérieusement douté de capacité de prise de décision quand je suis arrivée devant ce " sentier " et que j'ai poursuivi mon chemin...


Mes doutes se sont renforcés encore un peu plus lorsque, alors que j'apercevais le sommet qui me narguais à travers une tornade de grêle. Je me suis blottie entre deux arbres. Je n'osais plus quitter la protection des conifères, de peur d'être poussée par le vent hors de la crête et de me faire taillader le visage par ces petites lames de glace mesquines.


10 minutes plus tard, un petit japonais en bottes de caoutchouc me tapait sur l'épaule en me disant " Dangerous! Dangerous! " J'ai assumé que c'était le gardien de Yakedake, et je l'ai suivi à travers le temps, jusqu'à sa petite chaumière du moyen âge où il m'a préparé un café chaud en attendant que la colère du volcan ne s'apaise. 


Après qu'il m'eut convaincue, avec ses grands gestes, qu'il valait mieux ne plus essayer de monter, j'ai découvert que j'aurais mieux été équipée avec un wet suit pour la descente. Les sentiers étaient devenus des rivières et une atmosphère glauque régnait sur la montagne maintenant recouverte d'un nuage humide... Disons que l'échelle était un peu moins drôle à descendre maintenant que c'était une cascade d'eau glaciale!... 


Il était à peine 13h et j'étais (presque) trempée de la tête aux pieds (j'avais un poncho sac-poubelle, après tout), mais une fois éloignée de la colère de Yakedake, il m'a semblé que les nuages se dispersaient. La rivière de glaciers Azusa ruisselait mélodieusement. 

J'ai englouti mon lunch devant un étang silencieux avant de revenir sur les sentiers plus civilisés bordés de boutiques de souvenirs en bois rond pour visiter les dernières attractions du parc. J'en ai profité pour piquer 2-3 dégustations de sucreries (les Japonais ne m'ont jamais déçue sur ce point!) et hop, j'embarquais dans mon bus vers Hirayu-Onsen pour me rendre vers la seule façon abordable de loger dans les alpes!


Ma prochaine expérience - qui m'a longuement causé des doutes - c'était de passer la nuit dans un Onsen. Un onsen, c'est la pierre philosophale des Japonais. C'est une sorte de spa avec des bassins alimentés de sources thermales sulfureuses. Hirayu-Onsen, c'est un village de resorts. Et il y a une façon d'y dormir pour quelques dollars! Il faut savoir que les bains, c'est une tradition sacrée au japon! Il y a les bains publics, les sen-to, et les bains de sources naturelles, les onsen, Et que tout bon Japonais doit pouvoir aller prendre un bain à toute heure du jour... ou de la nuit! Alors de nombreux établissements sont ouverts 24h/24. Ça fait que parfois, pour quelques dollars supplémentaires, tu peux passer la nuit dans un spa! J'aurais bien pu passer la nuit dans les sources brulantes au souffre, mais à cette occasion, j'ai plutôt décidé de louer un 'local de sieste'. Et un local de sieste, c'est un peu comme un matelas au sol, dans une pièce fermée aux dimensions exactes du dit matelas. 

Après m'avoir fait payé dans une sorte de machine distributrice, on m'a tendu une débarbouillette et un "yukata", un hybride entre le kimono et le peignoir, et on m'a présenté ma cellule.



Plutôt que de m'y mettre tout de suite à l'aise, j'ai opté pour déposer mes affaires au vestiaire et aller explorer les facilités. 

Après m'être perdue dans les corridors déserts bordés de machines distributrices de yogourts, bières et jus, puis après m'être allègrement servie dans le bar à thé genmaicha, j'ai suivi l'odeur de souffre. En commando sous mon kimono, j'ai enfin trouvé la salle de "rinçage" pour femmes: le passage obligé avant tout bain japonais. Selon l'étiquette basée sur mes observations très scientifiques, tu dois te dénuder et amener ta débarbouillette avec toi, préférablement sur ta tête, ou pour cacher tes parties intimes du mieux possible si tu es une étrangère un peu intimidée. Tu peux ensuite te diriger dans un cubicule pour prendre place devant un miroir et t'asseoir sur un mini-tabouret, d'où tu rempliras une chaudière d'eau tiède. Armé d'un petit bol pour t'arroser, tu te rinces avant de te savonner partout, partout, partout. Ensuite, tu dois te purifier en t'arrosant longtemps avec ton petit bol, pour faire disparaître toute trace de savon. Enfin, tu peux te diriger vers les bains! 

Et c'est là que j'ai découvert ma piscine extérieure privée bien fumante.



Après plusieurs heures dans les bains et, à ma grande surprise, une nuit très respectable, j'ai décidé d'exploiter ma journée à Hirayu au max. L'application maps.me indiquait plusieurs petits tracés pointillés - signe de sentiers de randonnée à proximité, alors je me suis lancée à l'exploration et j'ai continué de faire des découvertes à couper le souffle!


Maintenant, prochaine direction: Takayama et la route des temples!



Recommandations:

Alpes : Pour ceux qui ont le temps, on m'a aussi recommandé Norikura, pour des petites randonnées dans le genre de Kamikochi.

Pour dormir dans les alpes, je pourrais recommander les Ryokans (bed and breakfast traditionnel japonais, avec le service deluxe et le souper souvent inclus, dans une chambre simple avec un futon et l'accès aux bains, habituellement). Les Minsuku sont un peu comme des Ryokans, mais type 'maison d'hôte' un peu plus moderne. 
Si vous voulez vivre la même expérience que moi, réservez une 'women nap room' à Hodakaso Sanganoyu, tout juste à côté de la station d'autobus. Ils ont un site web uniquement japonais et il est fortement recommandé de réserver par leur site en saison haute (ce que j'ai fait via une amie japonaise), mais, dans mon cas, j'étais quasi-seule, alors il n'y aurait pas eu besoin de réserver.

J'ai fait de nombreuses recherches et j'avais noté beaucoup d'autres lieux/parcs et montagnes que j'aurais aimé exploré, alors si vous voulez que je vous aide à faire un peu de débroussaillage dans une préfecture en particulier, ça me ferait plaisir!


samedi 24 novembre 2018

Nihon he yokoso


Le Japon, c'est grandiose.


C'est une culture de la performance effroyable en contraste avec une religion shinto-bouddhiste apaisante. C'est un amalgame saugrenu entre la technologie futuriste et les traditions anciennes. C'est un langage intimidant et des protocoles étourdissants. C'est un souci du détail ahurissant combiné à une courtoisie inégalée. C'est une culture gastronomique extraordinaire et un passé obscur.

C'est en solo que je me suis mesurée au pays du Soleil-Levant. J'ai cligné des yeux et j'étais seule sur des terrains d'ultimate entourés de montagnes, en regardant mes coéquipières disparaître dans un autobus vers l'aéroport. Nihon he yokoso. Mes repères disparaissaient à l'horizon. Les alpes japonaises m'attendaient.


Je vous présenterai mes découvertes sous forme de triade: manger, s'inspirer, s'éduquer; ou la nourriture, la nature et la culture. 

Parce que ça rime.
 


Voici la première partie.









Manger.

"Watashi wa niku toh sakana wo tabemasen"

Ça, c'est moi qui, avec mon plus beau sourire, avise le chef du restaurant que je veux un plat sans viande ni poisson. C'était souvent gênant et mécompris, mais... une fille apprend à s'assumer! Et il faut en profiter dans un pays qui a fait sa réputation grâce à son tourisme gastronomique! Parce que le Japon culinaire, ce n'est pas que les sushis...

Oh no.

La gastronomie japonaise, c'est l'umami. C'est la recherche du savoureux, qui se retrouve à l'équilibre parfait des saveurs sucrées, salées, amères et acides. C'est la réunion d'aliments marinés, fermentés, grillés et crus. C'est un assemblage minutieux de textures qui doit être dégusté et savouré en pleine conscience. J'y ai appris à prendre des repas solo de plusieurs heures. Je me délectais de porter attention à chaque détail de l'art de la table ou à tenter de déceler les différences dans toutes les pâtes de miso qui m'ont été proposées. J'y ai aussi vu englouti des bols de nouilles gigantesques, debout, en moins de 5 minutes - parce que c'est comme ça qu'il faut faire!

La leçon du jour, c'est que même si tu ne connais pas les moeurs d'un pays duquel tu ne parles pas le langage, regarde les gens manger et tu sauras qui ils sont. Dans ce cas, je résumerais en un peuple qui prend son temps, mais qui est aussi hyper pressé et en recherche d'efficacité. Des gens qui sont supra délicats avec leurs baguettes, mais qui ne servent pas de cuillères avec leurs soupes pour mieux les avaler sans respirer. Je reviens sur mes paroles - tout ça, c'est plein de contradictions pis ça ne vous éclaire pas tellement sur le peuple. Oops.

Commençons par ce qu'on connait bien, les sushis. Les sushis, c'est soit hyper fancy, soit servi à la va-vite sur un tapis roulant entre les pickles de radis et les piles de wasabi. J'ai participé à l'expérience culturelle des sushi-trains pour me bourrer la face d'Inarizushi (boules de riz dans des pochettes de peau de soja marinées hyper sucrées) et de Tamago Nigiri (omlette japonaise), mais j'ai rapidement passé à autre chose...



Un restaurant au Japon, ça se concentre sur un plat. Un seul plat. Et ce plat, il doit être maîtrisé à la perfection. Si tu sers des sushis, OH QUE NON: tu ne propose pas de ramen, soba ou udon (ou toutes les sortes de nouilles qu'ils ont inventées), de yakitori (brochettes de viande grillée), d'okonomiyaki (pancake au chou) ou de tempura.

Attirée par les bruits de succion tintamarresques qui sortaient des ramen-ya - les shops à nouilles - j'ai compris que l'aspiration des nouilles devait se faire de la façon la plus bruyante possible, en vitesse Grand V, chassée par un verre de saké. J'ai eu quelques premières expériences difficiles alors que j'ai voulu trouver des bols de ramen fraîches végés. J'ai compris que c'est complètement inadmissible de faire des ramen sans Dashi (bouillon de poisson)... et que finalement, y'aurait ben des affaires qui seraient introuvables...

J'ai ensuite jeté mon dévolu sur les nouilles soba fraîches garnies d'émincé de feuilles d'algues - mais sans la sauce au dashi. Ça a d'ailleurs été mon premier vrai repas au Japon. Mon hôte à Matsumoto m'y a amenée après une visite aux bains public et m'a tout appris sur la dégustation des nouilles et des condiments parce que, bien sur, c'est un art japonais, ça aussi!




Ensuite, j'ai compris que mon go-to, ce serait les Nigiri umeboshi (aux prunes salées - best-seller au 7-11: à nos yeux, le 7-11, c'est juste un dépanneur, mais on y trouve le garde manger et la boîte à lunch de tous les Japonnais!).

Plus tard, j'ai tenté l'expérience du curry japonais. Allez comprendre: ils sont généralement très forts sur la présentation, mais là, leur version du curry, c'est pas mal une vieille bouette brune sucrée à mi-chemin entre une sauce indienne et une gravy brune américaine. Mais jumelle-moi ça à des pickles bien acidulés et ajoute des pièces assez moches d'aubergine fondante et ça devient un repas réconfortant ;)



J'ai découvert que l'alimentation végétarienne pouvait quand même être téméraire et audacieuse quand j'ai découvert le natto, du soja fermenté, gluant et filamenteux au goût de fromage fort. Je vous épargne les images.

Au vu de toutes les expériences gastronomiques qui s'offraient à moi dans le décor traditionnel de Kyoto, reconnu pour l'art du Kaiseki (haute cuisine), j'ai foncé et tenté le shoji-ryori: l'ultime gastronomie bouddhiste - dans l'un des seuls endroits veganes recommandés par le guide Michelin dans le monde: Shigetsu, dans le temple Tenryu-ji. J'y ai découvert toute l'attention qu'on pouvait accorder à un plat, jusqu'à chaque petite rondelle d’échalote délicatement déposée sur un cube de tofu soyeux parfaitement assaisonné.



J'ai même découvert des restaurants spécialisés dans le tofu décliné sous toutes ses formes - toutes les textures, les assaisonnements et les cuissons possibles. Leur version de tofu la plus précieuse est la yuba - une sorte de peau de croûte caillée de lait de soja bouilli. Miam!



Bien repu, il faut ensuite se diriger vers les Izakayas, ces pubs miniatures avec des comptoirs hauts sans chaises pour boire debout un verre du saké le plus pur: le Daiginjo. J'ai fait mes classes dans les salles de dégustation à Hida Takayama, village montagneux traditionnel reconnu pour la qualité des deux ingrédients nécessaires à la production du saké: l'eau de source et le riz Hidahomare.
Saviez-vous que... pour faire un saké pur, le riz doit être poli et les bonnes bouteilles vont indiquer le degré de polissage (parfois jusqu'à 50% de son volume). L'enveloppe externe du riz va plutôt donner du 'caractère' ou du goût à la boisson et c'est généralement moins valorisé.

Finalement, parlant de riz, il ne faudrait pas négliger de parler des mochis - ces boules de riz collant de toutes sortes qu'on retrouve partout! Farcies, grillées, glacées, frites, au sésame, à la pâte de fèves sucrées... On ne peut plus s'en passer!



Alors, c'était ça pour les moments culinaires forts de mon mois de juin 2018! Pour conclure, je termine avec la meilleure recommandation possible: si vous voyez nasu dengaku sur le menu, commandez sans hésiter.



jeudi 26 juillet 2018

Une escale de 3 mois dans les pays d'en bas



''C'est SUUUURRRR qu'on ne retournera pas en Australie'', disait-elle, trois mois avant d'aller rejoindre son équipe Ellipsis pour les championnats nationaux d'ultimate australiens.



Oops. La vie nous avait encore offert des opportunités auxquelles on n'avait pas pu renoncer.




Quand on voyage - ou, j'oserais même me risquer à dire: "dans la vie" - on doit constamment faire arbitrage entre nos deux ressources les plus limitées: "le temps" et "l'argent". Dans notre cas, les entrées d'argent se faisant plus rares, vous déduirez bien qu'on hésite un peu moins à jeter le temps par les fenêtres! On se répète souvent que "it's about the journey, not about the destination", spécialement la fois ou on s'est convaincus que ce n'était pas une idée farfelue d'arrêter à Fort Lauderdale, San Francisco, Beijing et Singapour pour nous rendre de Bogota (Colombie) à Gold Coast (Australie). L'idée était encore meilleure avec un sac supplémentaire de 25 livres rempli d'uniformes d'ultimate qu'on nous avait demandé de livrer entre la Colombie et l'Australie!

Notre retour à Melbourne nous permettrait de rejoindre nos équipes pour représenter l'Australie aux championnats mondiaux d'ultimate Frisbee, alors on a décidé de s'embarquer à fond dans l'aventure, en combinant pratiques d'équipe, conditionnement en intervalles et séances en salles d'entraînement (avec l'essai de nouveaux spots entre temps!).


 On a aussi alterné les logements (à notre grand malheur): un peu de housesitting par ci, quelques semaines à rester chez la famille de nos amis et quelques semaines dans notre propre appartement avec Audrey-Maude et Mélissa <3



On a certainement profité des installations de bouldering incroyables de la ville pour raffiner nos techniques d'escalade, mais on a surtout exploré nos racoins préférés de Melbourne, comme le marché gigantestque de Queen Vic, et visité les sites de plein air fantastiques de l'état de Victoria. 



On s'est baladés dans la forêt de Dandenong, les Grampians et la gorge de Werribee; mais le clou du spectacle, c'était les paysages côtiers et les wombats et émeus sauvages de Wilson's promontory national park; ou encore Sugarloaf mountain dans les Cathedral Ranges, où on a pu combiner balade en forêt, bouldering et faufilades dans les crevasses... sans compter la route sublime de la Yarra Valley bordée d'eucalyptus géants pour s'y rendre.



Ces deux mois en Australie étaient déjà terminés pour moi tandis que Mikael continuait son travail d'immigrant illégal dans un restaurant italien pour quelques semaines.


J'ai ensuite pris la route du Japon, où mon équipe s'envolait l'espace d'un weekend, pour affronter les 5 meilleures équipes du pays en guise de préparation aux championnats mondiaux. Ne laissant pas passer une telle occasion, j'y suis restée 3 semaines pour découvrir cette contrée si mystérieuse...

Les détails de mon aventure nipponne suivront!