samedi 24 novembre 2018

Nihon he yokoso


Le Japon, c'est grandiose.


C'est une culture de la performance effroyable en contraste avec une religion shinto-bouddhiste apaisante. C'est un amalgame saugrenu entre la technologie futuriste et les traditions anciennes. C'est un langage intimidant et des protocoles étourdissants. C'est un souci du détail ahurissant combiné à une courtoisie inégalée. C'est une culture gastronomique extraordinaire et un passé obscur.

C'est en solo que je me suis mesurée au pays du Soleil-Levant. J'ai cligné des yeux et j'étais seule sur des terrains d'ultimate entourés de montagnes, en regardant mes coéquipières disparaître dans un autobus vers l'aéroport. Nihon he yokoso. Mes repères disparaissaient à l'horizon. Les alpes japonaises m'attendaient.


Je vous présenterai mes découvertes sous forme de triade: manger, s'inspirer, s'éduquer; ou la nourriture, la nature et la culture. 

Parce que ça rime.
 


Voici la première partie.









Manger.

"Watashi wa niku toh sakana wo tabemasen"

Ça, c'est moi qui, avec mon plus beau sourire, avise le chef du restaurant que je veux un plat sans viande ni poisson. C'était souvent gênant et mécompris, mais... une fille apprend à s'assumer! Et il faut en profiter dans un pays qui a fait sa réputation grâce à son tourisme gastronomique! Parce que le Japon culinaire, ce n'est pas que les sushis...

Oh no.

La gastronomie japonaise, c'est l'umami. C'est la recherche du savoureux, qui se retrouve à l'équilibre parfait des saveurs sucrées, salées, amères et acides. C'est la réunion d'aliments marinés, fermentés, grillés et crus. C'est un assemblage minutieux de textures qui doit être dégusté et savouré en pleine conscience. J'y ai appris à prendre des repas solo de plusieurs heures. Je me délectais de porter attention à chaque détail de l'art de la table ou à tenter de déceler les différences dans toutes les pâtes de miso qui m'ont été proposées. J'y ai aussi vu englouti des bols de nouilles gigantesques, debout, en moins de 5 minutes - parce que c'est comme ça qu'il faut faire!

La leçon du jour, c'est que même si tu ne connais pas les moeurs d'un pays duquel tu ne parles pas le langage, regarde les gens manger et tu sauras qui ils sont. Dans ce cas, je résumerais en un peuple qui prend son temps, mais qui est aussi hyper pressé et en recherche d'efficacité. Des gens qui sont supra délicats avec leurs baguettes, mais qui ne servent pas de cuillères avec leurs soupes pour mieux les avaler sans respirer. Je reviens sur mes paroles - tout ça, c'est plein de contradictions pis ça ne vous éclaire pas tellement sur le peuple. Oops.

Commençons par ce qu'on connait bien, les sushis. Les sushis, c'est soit hyper fancy, soit servi à la va-vite sur un tapis roulant entre les pickles de radis et les piles de wasabi. J'ai participé à l'expérience culturelle des sushi-trains pour me bourrer la face d'Inarizushi (boules de riz dans des pochettes de peau de soja marinées hyper sucrées) et de Tamago Nigiri (omlette japonaise), mais j'ai rapidement passé à autre chose...



Un restaurant au Japon, ça se concentre sur un plat. Un seul plat. Et ce plat, il doit être maîtrisé à la perfection. Si tu sers des sushis, OH QUE NON: tu ne propose pas de ramen, soba ou udon (ou toutes les sortes de nouilles qu'ils ont inventées), de yakitori (brochettes de viande grillée), d'okonomiyaki (pancake au chou) ou de tempura.

Attirée par les bruits de succion tintamarresques qui sortaient des ramen-ya - les shops à nouilles - j'ai compris que l'aspiration des nouilles devait se faire de la façon la plus bruyante possible, en vitesse Grand V, chassée par un verre de saké. J'ai eu quelques premières expériences difficiles alors que j'ai voulu trouver des bols de ramen fraîches végés. J'ai compris que c'est complètement inadmissible de faire des ramen sans Dashi (bouillon de poisson)... et que finalement, y'aurait ben des affaires qui seraient introuvables...

J'ai ensuite jeté mon dévolu sur les nouilles soba fraîches garnies d'émincé de feuilles d'algues - mais sans la sauce au dashi. Ça a d'ailleurs été mon premier vrai repas au Japon. Mon hôte à Matsumoto m'y a amenée après une visite aux bains public et m'a tout appris sur la dégustation des nouilles et des condiments parce que, bien sur, c'est un art japonais, ça aussi!




Ensuite, j'ai compris que mon go-to, ce serait les Nigiri umeboshi (aux prunes salées - best-seller au 7-11: à nos yeux, le 7-11, c'est juste un dépanneur, mais on y trouve le garde manger et la boîte à lunch de tous les Japonnais!).

Plus tard, j'ai tenté l'expérience du curry japonais. Allez comprendre: ils sont généralement très forts sur la présentation, mais là, leur version du curry, c'est pas mal une vieille bouette brune sucrée à mi-chemin entre une sauce indienne et une gravy brune américaine. Mais jumelle-moi ça à des pickles bien acidulés et ajoute des pièces assez moches d'aubergine fondante et ça devient un repas réconfortant ;)



J'ai découvert que l'alimentation végétarienne pouvait quand même être téméraire et audacieuse quand j'ai découvert le natto, du soja fermenté, gluant et filamenteux au goût de fromage fort. Je vous épargne les images.

Au vu de toutes les expériences gastronomiques qui s'offraient à moi dans le décor traditionnel de Kyoto, reconnu pour l'art du Kaiseki (haute cuisine), j'ai foncé et tenté le shoji-ryori: l'ultime gastronomie bouddhiste - dans l'un des seuls endroits veganes recommandés par le guide Michelin dans le monde: Shigetsu, dans le temple Tenryu-ji. J'y ai découvert toute l'attention qu'on pouvait accorder à un plat, jusqu'à chaque petite rondelle d’échalote délicatement déposée sur un cube de tofu soyeux parfaitement assaisonné.



J'ai même découvert des restaurants spécialisés dans le tofu décliné sous toutes ses formes - toutes les textures, les assaisonnements et les cuissons possibles. Leur version de tofu la plus précieuse est la yuba - une sorte de peau de croûte caillée de lait de soja bouilli. Miam!



Bien repu, il faut ensuite se diriger vers les Izakayas, ces pubs miniatures avec des comptoirs hauts sans chaises pour boire debout un verre du saké le plus pur: le Daiginjo. J'ai fait mes classes dans les salles de dégustation à Hida Takayama, village montagneux traditionnel reconnu pour la qualité des deux ingrédients nécessaires à la production du saké: l'eau de source et le riz Hidahomare.
Saviez-vous que... pour faire un saké pur, le riz doit être poli et les bonnes bouteilles vont indiquer le degré de polissage (parfois jusqu'à 50% de son volume). L'enveloppe externe du riz va plutôt donner du 'caractère' ou du goût à la boisson et c'est généralement moins valorisé.

Finalement, parlant de riz, il ne faudrait pas négliger de parler des mochis - ces boules de riz collant de toutes sortes qu'on retrouve partout! Farcies, grillées, glacées, frites, au sésame, à la pâte de fèves sucrées... On ne peut plus s'en passer!



Alors, c'était ça pour les moments culinaires forts de mon mois de juin 2018! Pour conclure, je termine avec la meilleure recommandation possible: si vous voyez nasu dengaku sur le menu, commandez sans hésiter.