dimanche 20 janvier 2019

Le Japon: Traditions et religions


Gifu

Je tenais à arrêter à Gifu pour avoir une immersion dans des villages traditionnels japonais un peu mieux préservés. La préfecture de Gifu me semblait être l'endroit tout désigné puisqu'on y retrouve des maisons gassho-zukuri ("en forme de prière") au toit en pente bien épais, bâties pour survivre aux chutes de neige abondantes. Les hameaux de Shirakawa-go, inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO, semblent féériques en hiver (on peut même y dormir si on veut l'expérience totale), mais, de mon côté, j'ai plutôt opté pour le mini village Hida, qui est en fait un musée en plein air... presque dans le genre du village québécois d'antan, avec des gens qui font mine d'élever des vers de soie pour produire la matière précieuse; des dames qui s'affairent à tisser des kimonos ou des hommes qui pratiquent des techniques de sculpture anciennes. C'était bien mignon, tout ça, mais le plus impressionnant, c'était... les toits de foin, qui pouvaient faire plus d'un mètre d'épais!


J'ai aussi visité Takayama, un village tout en bois reconnu pour la qualité de ses charpentiers, mais surtout pour son saké! Sanmichi, le centre de la ville préservée, regorge de petits commerces de toutes sortes, dont de nombreux sont surmontés de boules de cèdre pour signifier qu'on y brasse du saké. On y retrouve un grand marché le long de la rivière Miyagawa, mais mon coup de coeur a été un parcours qui traverse les parcs et les nombreux temples qui surplombent la ville. J'ai passé une journée à explorer les sanctuaires et les cimetières de différentes périodes et religions sans me lasser du souci du détail japonais, qui allie toujours avec justesse la nature, la pierre, le bois et l'eau, dans un mariage fluide où l'on s'y perd trop facilement.


Une fois rassasiée de ce que la campagne avait à m'offrir, j'ai pris la direction de Kyoto. Pas de secrets: tout ce que ce nom m'évoquait, c'était un accord lointain sur l'environnement qui n'avait pas trop trop été respecté.

Mon premier contact avec Kyoto a été assez mémorable: alors que je marchais près de mon auberge, j'ai été attirée par une musique festive qui semblait provenir d'un temple bouddhiste. Ma curiosité m'a menée à pénétrer dans l'enceinte pour y découvrir un spectacle de théâtre où dansaient dragons géants et empereurs chérubins, entre les concerts de musique traditionnelle et les démonstrations de samouraïs. 
On m'a forcée à m'y asseoir au premier rang et on m'y a offert des bonbons durs.


C'était bien beau tout ça, mais moi, j'avais surtout hâte d'arriver au sanctuaire Shinto Fushimi Inari-Taisha. 

"Shinto?", ditez-vous? Sachez que Japon, c'est un amalgame de religions entremêlées. Les gens peuvent se dire boudhistes, mais se marier dans une église chrétienne et faire leurs prières aux dieux shinto. La plupart des Japonais pratiquent plusieurs religions qu'on pourrait considérer complémentaires. Le Shintoisme est la religion indigène au Japon et vénère spécialement les esprits de la nature, les kamis, et ses différentes manifestations comme les montagnes, les rivières ou les animaux. D'un autre côté, le bouddhisme vénère plutôt la vie et la présence sur terre via la réincarnation. Ça explique pourquoi les funérailles, au Japon, sont généralement bouddhistes.

Enfin, j'avais hâte d'arriver là-bas, et j'ai réalisé que je n'étais pas la seule.


Je me suis retrouvée entourée de Geishas en devenir et de petites familles parfaites. J'ai vraiment eu l'impression d'être arrivée dans un autre monde, où la tradition était sacrée... Mais j'ai appris plus tard que les femmes habillées en Kimono ne sont probablement pas des Japonaises qui revêtent leurs plus beaux habits pour sortir dans les lieux sacrés, mais probablement des chinoises qui paient le gros prix pour porter un kimono de soie et des sandales de bois puis se faire coiffer et maquiller comme une geisha. Quel trouble-fête.


Après quelques centaines de mètres dans les sentiers, j'ai réussi à trouver un peu de quiétude parmi les torii rouges. Encore un peu plus loin, je me suis même retrouvée complètement seule parmi les torii, enchantée par les bruits de la forêt qui rendaient l'atmosphère carrément invraisemblable. 


J'en ai profité pour pratiquer le rituel d'appel des dieux. Il faut d'abord se purifier après être passé par la première torii vers un temple: on prend une louche à la fontaine pour se laver la main droite, puis la gauche, et ensuite la bouche, avant de faire couler l'eau sur le manche de la louche et de la replacer. Ensuite, on trouve une longue corde qui pend d'une cloche et on la sonne 2 fois pour réveiller les dieux. On tape des mains 2 fois pour signaler notre présence, avant de s'incliner 2 fois puis de se recueillir. Puis on s'incline une dernière fois pour remercier avant de partir. 

J'ai passé les prochains jours à visiter les nombreux temples de Kyoto, à me perdre dans ses ruelles, à visiter ses innombrables jardins zen et à explorer son offre considérable de restaurants. De toute ça, y'en a pour les fous pis les fins!


Mes recommandations: le philosopher's path, qui est un sentier paisible qui relie quelques temples dans un contexte plus natuel, et d'enfourcher une monture pour suivre la rivière Kamo - en observer les hérons et la vie quotidienne qui suit son cours.


J'ai ensuite pris la route d'Arashiyama, pour me balader dans les collines et me perdre (not) dans sa forêt de bamboo iconique. (N'ayez pas peur, ce n'est pas dans un sentier de 100 mètres parmi une horde de chinois qu'on risque de s'y perdre ;)



Mon prochain arrêt était Nara. Nara a été le centre politique du Japon jusque dans les années 700, mais aujourd'hui, c'est surtout reconnu pour être un complexe de temples massif envahi par des cerfs sacrés, qui s'y baladent sans contraintes. 

Un coup de coeur.


Une fois ressourcée entourée de mes amis les animaux, j'ai eu l'idée brillante d'aller m'engouffrer dans la ville la plus choquante que j'aie eu la chance de voir: Osaka.

Reconnue pour être la capitale culinaire du Japon, j'associe surtout mon expérience d'Osaka à la folie des jeux vidéos, des cafés thématiques et des néons fluorescents et mouvants. Après des introspections paisibles en nature à Kyoto, je me serais enfuie en courant de l'horreur qui se déroulait sous mes yeux... 



...mais je ne doute pas que j'aurais apprécié la ville en d'autres circonstances, en bonne compagnie. Mais dans ce cas, j'ai fait un rapide arrêt au Osaka-jo, ce château qui m'a tellement sidérée que je suis restée immobile à l'observer pendant 30 minutes, en dégustant mes mochis multicolores. 



Pour éviter de retomber nez-à-nez avec Osaka, j'ai trouvé un endroit qui valait bien les 5 heures où je m'y suis prélassée:



Ensuite, j'avais hâte de fuir, alors je me suis précipitée dans un bus de nuit pour mon prochain (et dernier) arrêt au Japon: Tokyo la surprenante.






mardi 15 janvier 2019

Le Japon en plein air: le parc national Chubu-Sangaku



J'ai commencé mon exploration du Japon aux environs de Matsumoto. 

Matsumoto, c'est au coeur de l'archipel japonais dans la préfecture montagneuse de Nagano. La ville est reconnue pour son  (ou château) noir corbeau de plus de 500 ans. 
D'ailleurs, c'est pas mal le seul attrait de la région... si bien que ma guide était particulièrement enthousiaste de ma présence et tenait absolument à me prendre en photo devant leur chef d'oeuvre municipal. Au moins, sa présence m'aura apporté beaucoup plus qu'une photo 'stagée'. Saviez-vous que le petit bâtiment à gauche abrite la pièce des "trois lunes" parce qu'on peut y apercevoir: 1) la lune dans le ciel, 2) la lune reflétée dans les douves du château, bien sûr, et... 3) la lune reflétée dans notre verre de saké!

Autre fait intéressant: dans chaque château, il y a une salle de "sacrifice", au sommet, pour le suicide du seigneur, quand les samouraïs sont attaqués et rendent les armes. Savez-vous combien de seigneurs ont fait le hara-kiri dans le Matsumoto-jo? Eh bien, comme le château existe encore, la réponse, c'est 0 - puisque lorsqu'on vainc un seigneur, on détruit son château du même coup! Mais bonne chance pour les attaquants parce que les samouraïs du Matsumoto-jo étaient malins: ils ont tout fait pour laisser croire que le château avait 5 étages, mais ce n'est qu'un leurre! Il y en a 6! Si bien pensé! Mais ça en rend la visite un peu plus difficile, à moitié recroquevillé...





Un conseil: si vous prévoyez prendre le train hors des centres touristiques, mieux vaut savoir exactement où vous allez! Alors mon premier défi, c'était la carte des trains du village:


Ça ne serait pas la dernière fois que je me sentirai impuissante face à un réseau de transport complexe là-bas, mais la bonne nouvelle, c'est que je m'y suis toujours retrouvée! 

Enfin, mon premier objectif dans les alpes japonaises, c'était d'atteindre Kamikochi, une vallée protégée comme patrimoine culturel et bordée de montagnes de plus de 3000m. Je suis partie de Matsumoto à la première heure pour réaliser mes objectifs ambitieux de la journée: faire toute la promenade qui longe la rivière et m'amène aux ponts et aux lacs de glaciers, puis monter le volcan Yakedake, ou "la montagne qui brule", dont les dernières éruptions datent de 1962 et 1995. En bonne aventurière, je choisis de bâtir mon itinéraire de façon responsable et de commencer mon programme par l'ascension autonome de la montagne enneigée au sentier apparemment peu défini. De cette façon, en cas de pépin, j'aurai plus de chance d'être sauvée par d'autres randonneurs qui s'y attaquent après moi, pour attraper le dernier bus qui sort du parc à 17h! 

La bonne nouvelle? c'est que j'ai réussi à trouver la tête du sentier! Et que ça a été ma seule rencontre avec les singes des neiges (macaque japonais), qui m'indiquaient la direction à prendre. Les guenons, en bonne Japonaises, protégeaient leurs petits et me laissaient continuer sur le sentier en se mettant poliment sur le côté. Voilà une journée qui commence bien!


Après les macaques, il n'y avait plus âme qui vive sur les sentiers. J'ai donc profité de ma toute nouvelle liberté en me questionnant un peu sur mon choix. J'ai sérieusement douté de capacité de prise de décision quand je suis arrivée devant ce " sentier " et que j'ai poursuivi mon chemin...


Mes doutes se sont renforcés encore un peu plus lorsque, alors que j'apercevais le sommet qui me narguais à travers une tornade de grêle. Je me suis blottie entre deux arbres. Je n'osais plus quitter la protection des conifères, de peur d'être poussée par le vent hors de la crête et de me faire taillader le visage par ces petites lames de glace mesquines.


10 minutes plus tard, un petit japonais en bottes de caoutchouc me tapait sur l'épaule en me disant " Dangerous! Dangerous! " J'ai assumé que c'était le gardien de Yakedake, et je l'ai suivi à travers le temps, jusqu'à sa petite chaumière du moyen âge où il m'a préparé un café chaud en attendant que la colère du volcan ne s'apaise. 


Après qu'il m'eut convaincue, avec ses grands gestes, qu'il valait mieux ne plus essayer de monter, j'ai découvert que j'aurais mieux été équipée avec un wet suit pour la descente. Les sentiers étaient devenus des rivières et une atmosphère glauque régnait sur la montagne maintenant recouverte d'un nuage humide... Disons que l'échelle était un peu moins drôle à descendre maintenant que c'était une cascade d'eau glaciale!... 


Il était à peine 13h et j'étais (presque) trempée de la tête aux pieds (j'avais un poncho sac-poubelle, après tout), mais une fois éloignée de la colère de Yakedake, il m'a semblé que les nuages se dispersaient. La rivière de glaciers Azusa ruisselait mélodieusement. 

J'ai englouti mon lunch devant un étang silencieux avant de revenir sur les sentiers plus civilisés bordés de boutiques de souvenirs en bois rond pour visiter les dernières attractions du parc. J'en ai profité pour piquer 2-3 dégustations de sucreries (les Japonais ne m'ont jamais déçue sur ce point!) et hop, j'embarquais dans mon bus vers Hirayu-Onsen pour me rendre vers la seule façon abordable de loger dans les alpes!


Ma prochaine expérience - qui m'a longuement causé des doutes - c'était de passer la nuit dans un Onsen. Un onsen, c'est la pierre philosophale des Japonais. C'est une sorte de spa avec des bassins alimentés de sources thermales sulfureuses. Hirayu-Onsen, c'est un village de resorts. Et il y a une façon d'y dormir pour quelques dollars! Il faut savoir que les bains, c'est une tradition sacrée au japon! Il y a les bains publics, les sen-to, et les bains de sources naturelles, les onsen, Et que tout bon Japonais doit pouvoir aller prendre un bain à toute heure du jour... ou de la nuit! Alors de nombreux établissements sont ouverts 24h/24. Ça fait que parfois, pour quelques dollars supplémentaires, tu peux passer la nuit dans un spa! J'aurais bien pu passer la nuit dans les sources brulantes au souffre, mais à cette occasion, j'ai plutôt décidé de louer un 'local de sieste'. Et un local de sieste, c'est un peu comme un matelas au sol, dans une pièce fermée aux dimensions exactes du dit matelas. 

Après m'avoir fait payé dans une sorte de machine distributrice, on m'a tendu une débarbouillette et un "yukata", un hybride entre le kimono et le peignoir, et on m'a présenté ma cellule.



Plutôt que de m'y mettre tout de suite à l'aise, j'ai opté pour déposer mes affaires au vestiaire et aller explorer les facilités. 

Après m'être perdue dans les corridors déserts bordés de machines distributrices de yogourts, bières et jus, puis après m'être allègrement servie dans le bar à thé genmaicha, j'ai suivi l'odeur de souffre. En commando sous mon kimono, j'ai enfin trouvé la salle de "rinçage" pour femmes: le passage obligé avant tout bain japonais. Selon l'étiquette basée sur mes observations très scientifiques, tu dois te dénuder et amener ta débarbouillette avec toi, préférablement sur ta tête, ou pour cacher tes parties intimes du mieux possible si tu es une étrangère un peu intimidée. Tu peux ensuite te diriger dans un cubicule pour prendre place devant un miroir et t'asseoir sur un mini-tabouret, d'où tu rempliras une chaudière d'eau tiède. Armé d'un petit bol pour t'arroser, tu te rinces avant de te savonner partout, partout, partout. Ensuite, tu dois te purifier en t'arrosant longtemps avec ton petit bol, pour faire disparaître toute trace de savon. Enfin, tu peux te diriger vers les bains! 

Et c'est là que j'ai découvert ma piscine extérieure privée bien fumante.



Après plusieurs heures dans les bains et, à ma grande surprise, une nuit très respectable, j'ai décidé d'exploiter ma journée à Hirayu au max. L'application maps.me indiquait plusieurs petits tracés pointillés - signe de sentiers de randonnée à proximité, alors je me suis lancée à l'exploration et j'ai continué de faire des découvertes à couper le souffle!


Maintenant, prochaine direction: Takayama et la route des temples!



Recommandations:

Alpes : Pour ceux qui ont le temps, on m'a aussi recommandé Norikura, pour des petites randonnées dans le genre de Kamikochi.

Pour dormir dans les alpes, je pourrais recommander les Ryokans (bed and breakfast traditionnel japonais, avec le service deluxe et le souper souvent inclus, dans une chambre simple avec un futon et l'accès aux bains, habituellement). Les Minsuku sont un peu comme des Ryokans, mais type 'maison d'hôte' un peu plus moderne. 
Si vous voulez vivre la même expérience que moi, réservez une 'women nap room' à Hodakaso Sanganoyu, tout juste à côté de la station d'autobus. Ils ont un site web uniquement japonais et il est fortement recommandé de réserver par leur site en saison haute (ce que j'ai fait via une amie japonaise), mais, dans mon cas, j'étais quasi-seule, alors il n'y aurait pas eu besoin de réserver.

J'ai fait de nombreuses recherches et j'avais noté beaucoup d'autres lieux/parcs et montagnes que j'aurais aimé exploré, alors si vous voulez que je vous aide à faire un peu de débroussaillage dans une préfecture en particulier, ça me ferait plaisir!