Gifu
Je tenais à arrêter à Gifu pour avoir une immersion dans des villages traditionnels japonais un peu mieux préservés. La préfecture de Gifu me semblait être l'endroit tout désigné puisqu'on y retrouve des maisons gassho-zukuri ("en forme de prière") au toit en pente bien épais, bâties pour survivre aux chutes de neige abondantes. Les hameaux de Shirakawa-go, inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO, semblent féériques en hiver (on peut même y dormir si on veut l'expérience totale), mais, de mon côté, j'ai plutôt opté pour le mini village Hida, qui est en fait un musée en plein air... presque dans le genre du village québécois d'antan, avec des gens qui font mine d'élever des vers de soie pour produire la matière précieuse; des dames qui s'affairent à tisser des kimonos ou des hommes qui pratiquent des techniques de sculpture anciennes. C'était bien mignon, tout ça, mais le plus impressionnant, c'était... les toits de foin, qui pouvaient faire plus d'un mètre d'épais!
J'ai aussi visité Takayama, un village tout en bois reconnu pour la qualité de ses charpentiers, mais surtout pour son saké! Sanmichi, le centre de la ville préservée, regorge de petits commerces de toutes sortes, dont de nombreux sont surmontés de boules de cèdre pour signifier qu'on y brasse du saké. On y retrouve un grand marché le long de la rivière Miyagawa, mais mon coup de coeur a été un parcours qui traverse les parcs et les nombreux temples qui surplombent la ville. J'ai passé une journée à explorer les sanctuaires et les cimetières de différentes périodes et religions sans me lasser du souci du détail japonais, qui allie toujours avec justesse la nature, la pierre, le bois et l'eau, dans un mariage fluide où l'on s'y perd trop facilement.
Une fois rassasiée de ce que la campagne avait à m'offrir, j'ai pris la direction de Kyoto. Pas de secrets: tout ce que ce nom m'évoquait, c'était un accord lointain sur l'environnement qui n'avait pas trop trop été respecté.
Mon premier contact avec Kyoto a été assez mémorable: alors que je marchais près de mon auberge, j'ai été attirée par une musique festive qui semblait provenir d'un temple bouddhiste. Ma curiosité m'a menée à pénétrer dans l'enceinte pour y découvrir un spectacle de théâtre où dansaient dragons géants et empereurs chérubins, entre les concerts de musique traditionnelle et les démonstrations de samouraïs.
On m'a forcée à m'y asseoir au premier rang et on m'y a offert des bonbons durs.
C'était bien beau tout ça, mais moi, j'avais surtout hâte d'arriver au sanctuaire Shinto Fushimi Inari-Taisha.
"Shinto?", ditez-vous? Sachez que Japon, c'est un amalgame de religions entremêlées. Les gens peuvent se dire boudhistes, mais se marier dans une église chrétienne et faire leurs prières aux dieux shinto. La plupart des Japonais pratiquent plusieurs religions qu'on pourrait considérer complémentaires. Le Shintoisme est la religion indigène au Japon et vénère spécialement les esprits de la nature, les kamis, et ses différentes manifestations comme les montagnes, les rivières ou les animaux. D'un autre côté, le bouddhisme vénère plutôt la vie et la présence sur terre via la réincarnation. Ça explique pourquoi les funérailles, au Japon, sont généralement bouddhistes.
Enfin, j'avais hâte d'arriver là-bas, et j'ai réalisé que je n'étais pas la seule.
Je me suis retrouvée entourée de Geishas en devenir et de petites familles parfaites. J'ai vraiment eu l'impression d'être arrivée dans un autre monde, où la tradition était sacrée... Mais j'ai appris plus tard que les femmes habillées en Kimono ne sont probablement pas des Japonaises qui revêtent leurs plus beaux habits pour sortir dans les lieux sacrés, mais probablement des chinoises qui paient le gros prix pour porter un kimono de soie et des sandales de bois puis se faire coiffer et maquiller comme une geisha. Quel trouble-fête.
Après quelques centaines de mètres dans les sentiers, j'ai réussi à trouver un peu de quiétude parmi les torii rouges. Encore un peu plus loin, je me suis même retrouvée complètement seule parmi les torii, enchantée par les bruits de la forêt qui rendaient l'atmosphère carrément invraisemblable.
J'en ai profité pour pratiquer le rituel d'appel des dieux. Il faut d'abord se purifier après être passé par la première torii vers un temple: on prend une louche à la fontaine pour se laver la main droite, puis la gauche, et ensuite la bouche, avant de faire couler l'eau sur le manche de la louche et de la replacer. Ensuite, on trouve une longue corde qui pend d'une cloche et on la sonne 2 fois pour réveiller les dieux. On tape des mains 2 fois pour signaler notre présence, avant de s'incliner 2 fois puis de se recueillir. Puis on s'incline une dernière fois pour remercier avant de partir.
J'ai passé les prochains jours à visiter les nombreux temples de Kyoto, à me perdre dans ses ruelles, à visiter ses innombrables jardins zen et à explorer son offre considérable de restaurants. De toute ça, y'en a pour les fous pis les fins!
Mes recommandations: le philosopher's path, qui est un sentier paisible qui relie quelques temples dans un contexte plus natuel, et d'enfourcher une monture pour suivre la rivière Kamo - en observer les hérons et la vie quotidienne qui suit son cours.
J'ai ensuite pris la route d'Arashiyama, pour me balader dans les collines et me perdre (not) dans sa forêt de bamboo iconique. (N'ayez pas peur, ce n'est pas dans un sentier de 100 mètres parmi une horde de chinois qu'on risque de s'y perdre ;)
Mon prochain arrêt était Nara. Nara a été le centre politique du Japon jusque dans les années 700, mais aujourd'hui, c'est surtout reconnu pour être un complexe de temples massif envahi par des cerfs sacrés, qui s'y baladent sans contraintes.
Un coup de coeur.
Une fois ressourcée entourée de mes amis les animaux, j'ai eu l'idée brillante d'aller m'engouffrer dans la ville la plus choquante que j'aie eu la chance de voir: Osaka.
Reconnue pour être la capitale culinaire du Japon, j'associe surtout mon expérience d'Osaka à la folie des jeux vidéos, des cafés thématiques et des néons fluorescents et mouvants. Après des introspections paisibles en nature à Kyoto, je me serais enfuie en courant de l'horreur qui se déroulait sous mes yeux...
...mais je ne doute pas que j'aurais apprécié la ville en d'autres circonstances, en bonne compagnie. Mais dans ce cas, j'ai fait un rapide arrêt au Osaka-jo, ce château qui m'a tellement sidérée que je suis restée immobile à l'observer pendant 30 minutes, en dégustant mes mochis multicolores.
Pour éviter de retomber nez-à-nez avec Osaka, j'ai trouvé un endroit qui valait bien les 5 heures où je m'y suis prélassée:
Ensuite, j'avais hâte de fuir, alors je me suis précipitée dans un bus de nuit pour mon prochain (et dernier) arrêt au Japon: Tokyo la surprenante.